Mamadou Aliou DIA, Représentant-Résident du PNUD au TOGO

Interview exclusive d’Aliou Mamadou Dia, Représentant-Résident du PNUD au Togo : « Des progrès importants ont été réalisés par le Togo ces dernières années sur la mise en œuvre des ODD »

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Présent au Togo depuis 1977 et bien au-delà, le Programme des Nations Unies pour le développement accompagne le pays à relever ses défis de développement à tous les niveaux. Gouvernance institutionnelle et démocratique, appui au développement d’une croissance qui profite à tous, à la protection de l’environnement et la valorisation de la biodiversité, etc., le champ d’actions est large.

 

Depuis plus de quarante ans, le PNUD comme la majorité des agences du système des Nations Unies n’a jamais quitté le Togo, même au plus fort des nombreuses crises socio-politiques que le pays a connues. 

 

De l’accompagnement des institutions de la République, en passant par la mise en place de programmes d’autonomisation des femmes et la promotion de l’emploi des jeunes, il est sur tous les fronts. Ses interventions multiples et multiformes reçoivent le satisfecit tant des pouvoirs publics que des populations bénéficiaires. 

                                Mamadou Aliou DIA, Représentant Résident du PNUD au Togo

Dans cette interview qu’il a accordée à l’Agence de presse AfreePress, Aliou Mamadou DIA (AMD), le Représentant-Résident du PNUD en poste depuis le 1er avril 2019 au Togo, revient dans les détails sur les missions dévolues au PNUD, les grands projets que son organisation finance ainsi que les défis (exacerbés par la pandémie du coronavirus) auxquels le pays fait face et qui peuvent remettre en cause tous les efforts accomplis dans l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030.

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AfreePress : Bonjour Monsieur le Représentant-Résident du Programme des Nations Unies pour le développement au Togo. Tous les Togolais connaissent le PNUD. Mais très peu savent ce qu’il fait. Que pouvez-vous nous dire sur le PNUD, ses objectifs et ses missions ?

 

Aliou Mamadou DIA (AMD) : Je pense que le PNUD est très bien connu au Togo. Cela fait plusieurs décennies que le PNUD est installé au Togo. Le bureau a été ouvert en 1977 et depuis ce temps, le PNUD est resté au Togo. Nous accompagnons le gouvernement, la société civile et le secteur privé sur le process de développement et sur le renforcement des capacités à tous les niveaux. Vous savez, les défis de développement actuels sont complexes et chaque contexte est différent. Au PNUD, nous adaptons notre travail aux besoins des pays et des communautés que nous servons. Notre plan stratégique 2018-2021 a été conçu pour répondre à cette diversité, qui se reflète dans les trois grands contextes de développement suivants : l’élimination de la pauvreté ; les transformations structurelles ; et le renforcement de la résilience.

 

Ces dernières années, le PNUD travaille en partenariat avec le Gouvernement, la Société Civile, le Secteur Privé et tous les autres partenaires au développement du Togo sur essentiellement trois domaines d’intervention prioritaires, à savoir : l’amélioration de la Gouvernance publique ; la croissance inclusive et accès aux services de base ; la gestion durable de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques.

                                                            Des jeunes accompagnés par le PNUD

Le premier domaine sur lequel le PNUD accompagne le Togo porte sur l’amélioration de la gouvernance publique, de l’état de droit et de la démocratie, la participation active des citoyens, la justice, la transparence, la responsabilité et la tenue d’élections crédibles et ouvertes à tous.

 

Dans le cadre de la mise en œuvre de notre projet sur l’appui aux institutions de la République, nous avons accompagné la Cour Constitutionnelle et la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication (HAAC) dans l’élaboration de leur Plan stratégique et de modernisation afin de mieux orienter leurs missions et actions.  En 2020 nous avons aussi accompagné la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et l’Assemblée Nationale à se doter de stratégies et de plan d’action. Ce projet vise également à accompagner d’autres institutions de la République Togolaise telles que La Cour des Compte, le HAPPLUCIA, l’ARPM, la CENI, etc.

 

Le PNUD accompagne aussi le Gouvernement sur la Réforme de l’Administration et la Modernisation du service public, ce qui constitue un chantier majeur dans le cadre de la mise en œuvre du PND et de la feuille de route. A travers cette intervention, le PNUD appuie le gouvernement à se doter d’une administration performante capable de fournir un service public de qualité aux citoyens togolais. Afin d’aider le gouvernement à assurer une bonne formation des cadres d’administration, le PNUD accompagne la réforme et la modernisation de l’Ecole Nationale d’Administration en octroyant une enveloppe de 300 millions de francs CFA sur 3 ans. Un travail de qualité est en cours actuellement avec le Ministère de la Fonction Publique et le Secrétariat Général du Gouvernement sur ce volet important de la modernisation de l’Administration avec l’appui du Département des Affaires économiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA).

 

Un autre chantier sur lequel nous intervenons au Togo, porte sur la réforme et la modernisation de la justice. A travers cette intervention, nous mettons l’accent sur l’amélioration de l’accès à la justice pour les jeunes, les femmes, les victimes de violences sexistes, les personnes handicapées, etc. Pour ce faire, le PNUD appuie le ministère de la Justice sur la multiplication des maisons de justice au Togo afin que la justice soit accessible aux populations qui en ont besoin.

 

Dans cette même dynamique, le PNUD travaille beaucoup avec le Ministère en charge des Droits de l’Homme et la Commission Nationale sur des actions important visant à la promotion des droits de l’homme au Togo. Notre projet de « renforcement des capacités nationales et communautaires en prévention des conflits et violences et la protection des Droits de l’Homme au Togo », financé par le Fonds pour la Consolidation de la Paix-PBF, accompagne le gouvernement togolais à la réduction des conflits et des violences récurrents par le renforcement des capacités au niveau national et communautaire ; favoriser la résolution de la crise politico-institutionnelle ; favoriser la protection des droits de l’homme et des enfants dans un contexte de tensions politiques à travers le renforcement des capacités nationales en matière d’éducation à la paix, de protection des droits de l’homme et de l’enfant et de promotion de l’éducation à la citoyenneté.

Nous avons un programme ambitieux avec le gouvernement sur la question de la décentralisation et le développement local qui vise à mettre en place des conditions institutionnelles et organisationnelles d’un développement territorial durable basé sur les potentialités des collectivités territoriales. En 2020, nous avons initié un projet dans ce domaine et avons équipé une soixantaine de communes en mobiliers de bureaux et autres matériels informatiques. Nous accompagnons présentement 5 communes à élaborer leurs plans communaux de développement. Nous travaillons en ce moment avec le ministère de l’Administration et du développement du territoire sur un programme ambitieux d’accompagnement et de développement de 10 Communes dans lesquelles le PNUD va apporter des appuis multiformes pour une durée de 5 ans. Le PNUD vient aussi d’initier un projet « Villes Intelligentes-Smart Cities » afin de créer 10 communes climatiquement intelligentes et la préparation de plans d’actions pour l’adaptation et l’atténuation au changement climatique pour 4 de ces communes.

 

Le second domaine de notre intervention est lié à l’environnement, la promotion du développement durable, la lutte contre l’impact des changements climatiques.

 

Sur ce plan, plusieurs actions sont en cours dans le but d’aider le gouvernement et les populations à mieux gérer les ressources naturelles, minimiser les impacts des changements climatiques, prévenir les risques de catastrophes naturelles en mettant en place des interventions visant à renforcer la résilience des communautés et des populations les plus vulnérables. 

 

Un travail remarquable de mobilisation de ressources est mené depuis plusieurs années pour accompagner le gouvernement togolais dans sa politique de gestion durable de l’environnement pour le bien de tous. Plusieurs projets sont en cours de mise en œuvre avec le Ministère de l’Environnement et des Ressources forestières, à savoir sur la restauration des terres dégradées, la gestion des aires protégées, l’aménagement de 7 écovillages, l’aménagement de forêts communautaires, etc. Ces différents projets sont appuyés par le Fond pour l’Environnement Mondial à travers son mécanisme de Microfinancements.  A travers ce mécanisme, nous appuyons les ONG qui travaillent directement sur le terrain pour la préservation des terres, l’agroforesterie, la lutte contre l’érosion des terres, etc. En janvier, 8 nouvelles organisations de la société civile ont bénéficié de subventions à hauteur de 134 millions de francs CFA. Ce qui porte à plus de 1,7 milliards de francs le montant des subventions depuis le démarrage du programme au Togo en 2009.

 

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Dans le cadre de la mise en œuvre des engagements du Gouvernement Togolais dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le Climat, nous accompagnons la révision de la Contribution nationale déterminée (CDN) que le Togo doit soumettre à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC). Le PNUD a mis à la disposition du gouvernement un expert et des ressources financières pour conduire le processus de révision de la CDN. L’objectif, c’est que le Togo puisse disposer d’un document de plaidoyer pour lui permettre de mobiliser davantage de ressources additionnelles pour l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques.

 

Compte tenu du contexte actuel, un accent particulier est mis sur l’accès à la finance climatique. Sur ce le PNUD travaille avec l’UNICEF et d’autres partenaires sur l’élaboration d’un grand projet sur la gestion durable des ressources en eau au Togo. Le projet sera soumis au Fonds vert climat. Avec le ministère de l’Environnement, l’idée de projet a été validée. Une note conceptuelle du projet est en cours d’élaboration et sera validée avec le Fonds vert climat. A la suite de cela, nous allons commencer à élaborer le projet en tant que tel. A travers ce projet, nous voulons accompagner le Togo à bénéficier des ressources du Fonds Vert Climat et des autres mécanismes de financement des actions climatiques. Nous travaillons aussi à accompagner le Togo à avoir une institution accréditée au Fonds Vert Climat ce qui lui permettra d’avoir un accès direct aux ressources du Fonds. Nous accompagnons, de ce fait Togo-Invest dans le processus d’accréditation. 

 

Nous travaillons aussi sur la question de l’accès à l’énergie durable. C’est un volet qui est clairement défini dans la feuille de route gouvernementale sur tout ce qui touche l’accès à l’énergie en milieu rural. Le PNUD depuis quelques années, a mis en place un ambitieux programme sur l’aménagement des écovillages à travers le pays. L’objectif du projet est de promouvoir un développement local du terroir sobre en carbone, résilient aux effets du changement climatique et bénéfique à l’environnement global. Le projet intervient actuellement dans sept (7) villages pilotes et nous pensons pouvoir le démultiplier un peu partout à l’intérieur du pays. Ce projet écovillages vise à mettre en place des plateformes multifonctionnelles dans ces villages alimentées par des mini-centrales solaires d’une capacité de 25 à 30 Kilowatts. Une dizaine de plateformes multifonctionnelles sont en cours d’installation cette année à l’intérieur du pays. Cette année, nous allons installer plus de 10 mini-centrales solaires dans les villages reculés du pays pour accompagner la politique d’accès universelle à l’électricité d’ici 2030.

 

La troisième composante de notre programme pays actuel porte sur la croissance inclusive et l’accès aux services sociaux de base.

 

Nous croyons que tout développement ne peut se faire que quand la croissance profite à tous. C’est pour cela que nous avons mis en place ce pilier afin de nous attaquer efficacement aux questions liées à la réduction de la pauvreté et accompagner le gouvernement dans tout ce qui est planification du développement, élaboration et développement des partenariats sur ces questions-là. Mais la question est de savoir comment agir de façon durable pour réduire le taux de pauvreté au Togo ? Sur cette question, nous avons élaboré un certain nombre de projets que nous sommes en train de développer.

 

Le projet le plus important sur lequel nous sommes actuellement en train de travailler pour accompagner la réduction de la pauvreté au Togo, est le projet intitulé : ‘’Impact communautaire 2030’’. Ce projet vise essentiellement à poser des actions concrètes sur le terrain, accompagner les populations en vue de créer des activités génératrices de revenus, appuyer les femmes et les jeunes dans la création d’emplois au niveau local. Ce projet est une suite logique du Programme d’urgence pour le Développement Communautaire (PUDC) qui fut entièrement financé par le gouvernement du Togo et qui a obtenu des résultats satisfaisants avec des réalisations importantes partout dans le pays.

 

Avec notre projet Impact Communautaire 2030, nous accompagnons la construction d’infrastructures sociocommunautaires en milieu rural. Cette année, nous allons construire 5 écoles primaires dans des localités identifiées avec le ministère des Enseignements primaire et secondaire. Chaque année, le PNUD envisage de construire 5 à 10 écoles comme contribution à l’effort du gouvernement dans le renforcement des infrastructures scolaires.

 

Avec le Ministère de l’Action Sociale et de la promotion de la femme et de l’alphabétisation, nous avons initié un projet sur l’autonomisation économique des femmes en milieu rural qui va accompagner des coopératives et autres groupements de femmes à travers des financements ou des microfinancements pour le développement de leurs activités génératrices de revenus.

 

Le projet ‘’IC2030’’ en partenariat avec le ministère de l’Hydraulique villageoise va réaliser une dizaine de forages dans les zones rurales notamment dans la région des Savanes. D’ailleurs sur cette question, je sais qu’il y a un effort important qui est fait par le gouvernement notamment avec les autres partenaires au développement. Nous, ce que nous apportons, n’est qu’une modeste contribution à cet effort global du gouvernement à doter les populations de forages pour leur permettre d’avoir accès à l’eau potable. Dans le cadre de notre projet sur la gestion des aires protégées, le PNUD a réalisé 20 forages dans le Fazao Malfakassa et dans le cadre du projet écovillage, nous en avons fait 7 forages pour les populations et 4 autres pour l’irrigation des périmètres.

 

Ces dernières années le PNUD a aussi beaucoup accompagné le gouvernement sur l’amélioration de l’offre de soins notamment en milieu rural au Togo. Avec le PUDC, le PNUD a réalisé et réhabilité 3 hôpitaux, 4 CMS, 9 USP et 20 incinérateurs. Avec ce projet financé par le gouvernement, le PNUD a acquis 5 cliniques mobiles pour le Ministère de la Santé afin d’améliorer l’offre de soins en milieu rural.   

 

La COVID a démontré que nous avons encore énormément d’effort à fournir pour l’accès aux soins dans nos pays. C’est pourquoi dès la survenue de la pandémie, nous avons reprogrammé environ trois millions de dollars (environ 1,5 milliards de francs CFA) pour contribuer à l’effort du gouvernement dans la riposte contre la COVID-19. Nous avons acquis beaucoup d’équipements de protection individuelle, du matériel de réanimation, des ambulances, des cliniques mobiles, des kits de dépistage, des masques, des gels, etc. Nous allons continuer cet effort parce que l’accès aux soins reste une priorité pour le Togo. Évidemment il y a des institutions du système des Nations Unies telles que l’OMS, avec qui nous travaillons et qui mobilisent énormément de moyens et de ressources pour accompagner le gouvernement. Nous allons poursuivre nos efforts pour l’accès aux soins et au vaccin contre la Covid-19 et je pense que c’est une priorité pour le gouvernement.

 

Sur la base de cet engagement, nous avons accompagné en 2020 le service d’oncologie pédiatrique du Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio en équipements informatiques et pour l’extension du réseau d’oxygène. En 2021, nous avons alloué presque 100 millions de francs CFA au CHU afin de réfectionner et moderniser le service des urgences chirurgicales de l’hôpital. Dans cette même dynamique et dans le cadre de notre projet d’autonomisation des femmes, nous allons aussi accompagner le CHU Campus à mettre la maternité et le service gynécologique dans les normes.

 

Au-delà de ces actions en cours, le PNUD appuie le gouvernement togolais à mettre en place un Centre National sur la Santé Digitale. Nous avons déjà fini l’étude de faisabilité qui a été approuvé par le Ministère de la Santé. Nous sommes en train de mettre en place l’infrastructure et le dispositif technologique pour commencer les activités de télémédecine.

 

AfreePress : Comment votre organisation est-elle structurée et d’où lui viennent ses moyens ?

 

AMD : Vous savez que le PNUD est présent dans près de 170 pays à travers le monde et nous sommes présent au Togo depuis 1977. Au niveau global, le PNUD est dirigé par un Administrateur nommé par le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations unies (ONU). Il y a cinq bureaux régionaux dont les sièges sont basés au siège à New York. Il s’agit des bureaux : Afrique, Asie & Pacifique, Amérique Latine & Caraïbes, Pays Arabes, Europe & Communauté des Etats Indépendants. Naturellement le bureau PNUD du Togo fait partie du Bureau régional Afrique qui compte plus 40 pays du continent.

 

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Au Togo, nous ne travaillons pas de manière isolée. Nous faisons partie de l’équipe pays du Système des Nations Unies (SNU) composée de l’ensemble des agences résidentes et de certaines agences non-résidentes sous le leadership du Coordonnateur Résident.

 

Les relations de travail entre le SNU et le gouvernement sont définies à travers un cadre de coopération où toutes les interventions sont identifiées en relation avec les priorités nationales du Plan national de développement (PND) et la Feuille de route 2025. Sur la base de ce cadre de coopération, le PNUD élabore également son programme pays pour contribuer aux efforts du Système des Nations Unies. Notre programme actuel couvre la période 2018-2023.

 

Dans le cadre de la mise en œuvre de notre programme pays, nous élaborons avec le gouvernement et toutes les parties prenantes, différents projets à mettre en œuvre sur des durées allant de 1 à 3 ans à travers des plans de travail annuels validés d’un commun accord avec le gouvernement.

 

Nous recevons annuellement des allocations du siège pour nos différents projets en cours d’exécution au Togo. Mais il est important que nous puissions compléter ce budget avec une activité intense de mobilisation de ressources auprès des partenaires au développement et autres bailleurs de fonds. Je voudrais en profiter pour remercier tous les partenaires qui financent nos projets et programmes et en premier lieu le Gouvernement du Togo qui a bien voulu nous faire confiance pour exécuter le PUDC.

 

AfreePress : Quel est l’état des relations entre le PNUD et le gouvernement togolais ?

 

AMD : Nos relations avec le gouvernement sont excellentes et nous sommes très satisfaits de servir au Togo. Je dois témoigner que les autorités sont toujours disponibles à apporter l’appui dont nous avons besoin pour travailler. Ce n’est pas partout qu’on a un gouvernement totalement à l’écoute de ses partenaires au développement comme c’est le cas au Togo et ceci facilite énormément notre action dans le pays. Permettez-moi, de remercier l’ensemble du gouvernement pour la confiance qui est placée en nous. 

                                                Inauguration du NunyaLab de Lomé Amadahomé

AfreePress : Quelle appréciation faites-vous de la politique de développement du pays ?

 

AMD : Si cette trajectoire est bien tenue, le Togo pourra devenir certainement l’un des pays à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) à l’orée 2030. Le PND et la feuille route gouvernementale constituent d’ambitieux programmes qui, si bien exécutés devraient mettre le pays sur la voie de l’émergence. Les scores du Togo dans le Doing Business dus à l’assainissement du climat des affaires, la forte implication du secteur privé, la promotion des investissements, les différentes réformes en cours etc. nous permettent tous d’espérer que le pays pourra sans nul doute être au rendez-vous des ODD en 2030.

 

AfreePress : Cela veut-il dire que le PNUD entend innover à travers la digitalisation de certains programmes ?

 

AMD : L’innovation, le digital et le numérique sont les leviers qui vont propulser le développement de nos Etats. C’est la raison pour laquelle, nous avons pris plusieurs initiatives pour accompagner le gouvernement dans ce domaine. Par exemple, nous sommes en train, avec les Universités de Lomé et de Kara, de mettre en œuvre ce que nous appelons la mutation numérique des universités publiques en les dotant d’équipements et des technologies de pointe pour la modernisation des infrastructures. Le PNUD a octroyé 100 millions de F CFA à l’Université de Kara (2021-2022) pour la digitalisation des process et autres enseignements. C’est aussi le cas de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) que nous appuyons à hauteur de 300 millions de F CFA sur 3 ans afin de réformer et moderniser l’école mais surtout de mettre en place des plateformes numériques pour faciliter les enseignements et autres services centraux.

 

Avec l’Université de Lomé nous avons lancé les travaux de construction au sein du campus pédagogique du tout premier laboratoire de Télédétection Appliquée et de Géo informatique du Togo. Le Laboratoire se chargera de développer des applications de la télédétection et des technologies connexes au profit des départements ministériels et des agences gouvernementales pour une gestion plus opérationnelle des différents projets de la Feuille Route. A travers ce Laboratoire, le PNUD s’emploie à soutenir l’Université de Lomé à valoriser la recherche en sciences appliquées et à définir les grandes orientations de la recherche scientifique et du développement technologique, conformément à la politique nationale en matière de technologie scientifique. Le PNUD va investir dans l’infrastructure et dans des programmes de renforcement des capacités pour soutenir la recherche-développement, l’éducation et l’entreprenariat dans les domaines en lien avec les sciences spatiales.

 

Toujours dans le domaine du digital, au plus fort de la pandémie de COVID-19, le PNUD a octroyé à tous les ministères de la République ainsi qu’à la Primature, 34 équipements de vidéoconférences avec 55 licences Zoom pour aider le gouvernement à assurer la continuité du service. Nous allons encore en acquérir une dizaine dans les semaines à venir pour les autres institutions de la République.

                                      Le PM du Togo aux côtés de M. Mamadou Aliou DIA du PNUD

Notre rôle en tant PNUD, c’est aussi d’aider le gouvernement à faire de la prospective du développement et d’aider les pays à se projeter dans le futur. Oui, il y a des réalités auxquelles on doit faire face aujourd’hui, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous projeter dans l’avenir. De nous projeter dans les 50 années à venir. Comment voulons-nous que nos Etats soient en 2050 ou en 2060 par exemple ? C’est maintenant qu’il faut penser à tout ça. Le PNUD a aussi cette belle ambition d’accompagner le Togo dans la création et la mise en place de ce qu’on pourra appeler l’Institut Togolais du Futur qui aura pour mission de se projeter dans le temps et de proposer des solutions futuristes pour le développement du Togo à travers la maitrise de savoirs nouveaux sur la robotique, l’intelligence artificielle, machine learning, deep learning, blockchain, internet des choses, big data, etc.

 

Dans le cadre de la recherche et de l’innovation, nous réfléchissons avec l’Université de Lomé et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche à l’organisation d’un forum national sur la recherche et l’innovation pour une meilleure valorisation des produits de recherches qui dorment dans nos Universités.

 

Nous avons mis en place avec l’Université de Lomé un incubateur pour la valorisation des produits de recherches, parce que les produits de recherche doivent servir à la planification du développement et à la mise en œuvre des projets et programmes.

 

AfreePress : Travaillez-vous avec d’autres acteurs en dehors du gouvernement ?

 

AMD : Absolument. Le PNUD travaille beaucoup avec la société civile. C’est important de le souligner. Tout ce que nous faisons dans le domaine des Droits de l’Homme, dans le domaine de la paix, de la préservation de la paix et de la sécurité, nous le faisons avec les organisations de la société civile. Tout ce que nous faisons dans le domaine de l’autonomisation de la femme, dans le cadre du projet Ecovillage où nous allons construire des fermes piscicoles. Tout cela, nous le faisons avec la société civile, avec des ONG spécialisées dans la formation.

 

C’est pour vous dire que c’est une composante importante de notre travail et nous allons continuer à renforcer notre partenariat avec la société civile et les organisations de défense et de promotion des droits de l’Homme.

 

Nous travaillons aussi de plus en plus avec le secteur privé. Le développement ne peut pas se faire uniquement avec les ressources publiques. C’est le secteur privé qui fait les investissements et donc, si nous voulons aider le pays à booster son économie et attirer des investissements, il est extrêmement important d’obtenir l’engagement du secteur privé dans les processus de développement. Et depuis deux ans, nous travaillons beaucoup avec le secteur privé. Je citerai par exemple la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo, Togo Invest, qui est le bras chargé de l’investissement de manière générale pour le Togo. Nous avons signé un accord de partenariat avec Togo Invest pour les aider à mieux jouer le rôle d’accompagnement du secteur privé.

 

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Nous accompagnons par exemple les médias aussi. Nous avons travaillé non seulement avec la Haute autorité de l’audiovisuel et de la Communication (HAAC), les organisations professionnelles de la presse mais également avec le ministère de la Communication et des médias. Nous avons cette belle initiative qui s’appelle les Lauriers du journalisme d’Impact que nous organisons en partenariat avec les Ambassades des Etats Unis, de France, d’Allemagne ainsi que la Délégation de l’Union Européenne. L’objectif est de créer un cadre permettant aux journalistes de mieux s’épanouir et de pouvoir faire correctement leur travail en leur apportant des moyens et des appuis assez conséquents.

 

C’est pour dire que nous sommes de plus en plus en train d’élargir les horizons. Le développement ne peut plus se faire comme avant. Il y a de nouveaux paradigmes qu’on doit prendre en compte dans nos interactions de tous les jours et surtout, pouvoir apporter des solutions au gouvernement. Je pense que c’est ce que le gouvernement attend de nous. On ne doit plus faire les mêmes choses comme il y a 10 ans ou il y a 15 ans. Non, le monde a évolué, le monde a changé il nous faut donc proposer de nouvelles solutions pour le développement de nos nations. Et c’est que propose le PNUD NextGen ou 2.0

 

AfreePress : Comment le PNUD apprécie-t-il les réformes réalisées ces dernières années par le Togo sur les plans politiques et économiques ?

 

AMD : Le Togo est le premier pays réformateur en Afrique. Ce n’est pas nous qui le disons, mais la Communauté internationale. Cela signifie énormément de choses. Ça veut dire qu’il y a des actions majeures qui sont en train d’être prises pour mettre le pays sur la trajectoire du développement. Je pense que les autorités ont bien compris qu’il faut absolument réorienter un certain nombre de choses et ce n’est pas facile de réformer. Il faut avoir le courage et l’audace d’entreprendre des réformes et ça, je pense que le gouvernement l’a très bien réussi. Le climat des affaires est en train d’être assaini ainsi que beaucoup d’autres choses. Je crois que beaucoup de voyants sont pratiquement au vert pour le Togo depuis quelques années. Cela nous met plus à l’aise et nous permet d’engager des discussions avec des partenaires, mêmes non traditionnels du Togo pour leur dire : « Regardez ce qui est fait au Togo. C’est absolument énorme ! ».

 

Pendant la crise de la Covid, lorsque tous les pays étaient en train de réfléchir et de voir comment il faut accompagner leurs populations, le Togo lui avait trouvé la solution avec cette idée ingénieuse de mettre en place un Programme de revenu universel dénommé Novissi. Aujourd’hui, ce programme fait absolument référence à travers le monde. L’administrateur du PNUD a parlé du Novissi plus d’une fois dans ses interventions pour dire voilà une disposition de protection sociale qu’un gouvernement met en place en un temps record et qui est basé sur le transfert monétaire digital et touche pratiquement 500 000 personnes. Je pense que ça été quelque chose d’assez important et il existe plusieurs initiatives comme cela dans de nombreux domaines au Togo.

 

AfreePress : Ce sont des initiatives à partager avec d’autres pays alors ?

 

AMD : Le PNUD, c’est 170 pays à travers le monde. Nous avons des pratiques et une histoire un peu partout dans le monde et nous pouvons certainement tirer des leçons, des success stories que le PNUD a pu obtenir dans certains pays et essayer de les appliquer au Togo. C’est pour ça d’ailleurs, que nous avons mis en place un laboratoire d’accélération qui permet de proposer des solutions innovantes sur les questions de développement. De proposer de nouvelles choses.

 

AfreePress : Le chômage et l’emploi des jeunes demeurent des sujets importants pour le gouvernement togolais. Quelle réponse concrète apporte le PNUD à ces questions ?

 

AMD : Sur l’emploi des jeunes, nous travaillons beaucoup avec le ministère du développement à la base. Pour vous donner un exemple, le PNUD est l’un des partenaires privilégiés du FAIEJ. Le PNUD a également aidé à la mise en place de l’Agence nationale de volontariat du Togo (ANVT). Nous travaillons actuellement avec les incubateurs NunyaLab que nous avons mis en place avec la ministre du Développement à la base. Le centre NunyaLab de Lomé marche très bien et fait des résultats énormes. Moi, je suis d’ailleurs surpris de voir tout ce que les jeunes sont en train de faire avec cet outil que nous avons mis à leur disposition. Sur la base de ça, nous nous sommes dit que nous allons installer des NunyaLab dans toutes les régions du pays. Cette année, nous allons procéder à l’installation des NunyaLab de la région des Savanes et Kara et l’année prochaine, suivront la région Centrale et la région des Plateaux.

 

Après maintenant, il faut peut-être aller à une échelle plus locale, et mettre en place des NunyaLab au niveau local pour permettre aux jeunes qui sont dans les localités plus petites, de pouvoir faire éclore leurs potentiels.

 

AfreePress : Comment sont pris en charge concrètement les jeunes incubés dans les Nunyalab ?

 

AMD : Les jeunes qui ont des idées de projets et qui viennent dans les NunyaLab, sont accompagnés. Ils sont suivis et nous les aidons à faire leurs plans d’affaires. Ils sont également formés. Mais après, ils doivent solliciter des financements pour la réalisation de leurs projets. C’est d’ailleurs pourquoi cette année, le PNUD va mettre en place la Facilité pour l’Innovation et l’Entreprenariat des Jeunes avec le FAIEJ évidemment, pour accompagner ces jeunes qui sont incubés dans les NunyaLab. Ce n’est pas bien qu’un jeune soit incubé, qu’il vienne avec un projet intéressant et avec un excellent plan d’affaires et qu’à la fin, il peine à trouver le financement pour pouvoir lancer son business ou sa start-up.

 

Pour cela, nous sommes en train de travailler avec le ministère du Développement à la base et de la jeunesse et le FAIEJ, afin que ces jeunes qui sont incubés dans les différents NunyaLab que nous sommes en train de créer, puissent à la fin obtenir des financements.

 

Pour moi, l’emploi des jeunes, c’est la priorité des priorités. Lorsque je suis arrivé au Togo, j’ai dit à mon équipe que j’ai essentiellement deux priorités : la première priorité, ce sont les jeunes et la seconde, les femmes. Depuis lors, nous avons réalisé énormément de choses sur l’emploi des jeunes, sur la promotion de l’emploi des jeunes.

 

Le Togo fait partie aujourd’hui du réseau youth connect. Nous allons mettre en place les incubateurs, nous allons mettre en place des facilités pour les jeunes qui sont incubés ainsi que des accompagnements en leur faveur. Nous accompagnons des initiatives de jeunes. Par exemple nous accompagnons le Digital Awards, avec les jeunes qui sont dans le domaine du digital ou encore Terreau Fertile pour l’accompagnement et la réalisation de projets initiés par les jeunes.

 

Je dis souvent à mes collaborateurs que j’ai encore faim parce que je ne suis encore insatisfait de ce que nous faisons sur la question de l’emploi des jeunes. Je pense que nous avons encore davantage de choses à apporter sur cette question et avec le gouvernement, nous sommes en train de travailler à améliorer les choses dans ce domaine.

 

C’est donc pour dire que nous faisons beaucoup de choses et le PNUD c’est la maison de tout le monde comme j’ai l’habitude de le dire. Nos bureaux sont absolument ouverts à tout le monde.

 

Interview réalisée par Olivier ADJA

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